Un 28 décembre, jour consacré à la déesse nordique Berchta qui, telle Walpurgis, revient une fois l'an à la tête d'un cortège de morts qui n'ont pas trouvé le repos, une barque s'approche d'une île - Godenholm - située au large des côtes scandinaves. Trois personnes sont à bord, deux hommes et une femme, invitées par le maître du lieu, Schwarzenberg, un sage magicien, dont ils attendent la Réponse. Ainsi comme ce récit où l'art d'Ernst Jünger, alliant la pensée la plus profonde à la poésie la plus haute, affirme sa suprématie d'une façon royale. En exprimant l'inexprimable, le grand écrivain allemand confirme ici sa vocation de visionnaire tout en étant fidèle à sa pensée qui trouve dans l'étude des anciens mythes et dans l'enchantement de leurs images une explication de nos plus secrètes angoisses.
Ernst Jünger Livres
Ernst Jünger fut un auteur allemand dont l'œuvre se caractérise par un examen profond de l'expérience humaine face à la modernité et à la guerre. Son style littéraire est précis, employant souvent une imagerie vive et visuelle pour transmettre des sensations intenses et des réflexions philosophiques. Jünger contempla l'impact de la technologie et du matérialisme sur l'âme, avec une perspective souvent intransigeante mais profondément contemplative. Ses écrits, malgré les controverses, offrent un regard unique sur la nature du courage, de la survie et la recherche de sens dans le chaos.







Les Carnets de guerre 1914-1918 constituent la face cachée d'Orages d'acier, qui, pour André Gide, était "incontestablement le plus beau livre de guerre" qu'il ait jamais lu. Ecrits directement dans le feu de l'action, ces quinze petits carnets d'écolier nous révèlent la matière brute sur laquelle Jünger se livra, une fois la paix revenue, à un savant travail de réécriture. Fort peu de témoins sont restés autant d'années que lui en première ligne des combats, sans jamais cesser de prendre des notes d'une acuité stupéfiante. Sept fois blessé, Jünger a pu relater avec une objectivité volontairement glaciale les souffrances du fantassin. Ce témoignage sans fard d'un engagé volontaire de dix-neuf ans ne cache rien des horreurs de la guerre. Mais il ne dissimule pas non plus l'enthousiasme de départ, la joie de se battre et le délire meurtrier qui s'empare des hommes au moment de l'assaut. D'où l'incontestable intérêt historique et documentaire de ces carnets qui révèlent également des aspects inconnus de la personnalité complexe d'Ernst Jünger.
A l'occasion de son centenaire, Ernst Jünger a accordé une ultime et unique série d'entretiens à ses deux traducteurs italiens. Dans un style fluide et alerte, Jünger raconte les soubresauts du siècle dont il fut le témoin privilégié. Son évocation commence au déclin de l'Empire allemand pour aller jusqu'au drame de l'ex-Yougoslavie, en passant par les deux guerres mondiales. De Weimar à Berlin, de l'occupation de Paris au procès de Nuremberg, de la comète de Halley au naufrage du Titanic... Nous croisons, au gré de ses souvenirs, les protagonistes qui firent notre histoire, Carl Schmitt et Heidegger, Hitler et Rommel, Kubin et Picasso, Colette et Cocteau, Drieu La Rochelle et Céline, Montherlant et Marguerite Yourcenar. Il n'élude rien, clarifie certains épisodes, répond à toutes les questions, même lorsqu'elles concernent le nazisme. Mais le patriarche de Wilflingen tourne aussi son regard aiguisé vers le troisième millénaire, celui des prochains Titans, où l'homme devra prendre modèle sur l'Anarque, et se montrer comme lui " souverain sur la technique ", sous peine de vivre une ère où " l'action sera plus importante que la poésie qui la chante et la pensée qui la réfléchit ". Un avertissement lumineux à méditer.
Voyage atlantique
- 252pages
- 9 heures de lecture
Il y a peu d'écrivains que leurs lecteurs puissent suivre au jour le jour, dans leurs travaux, leurs lectures ou leurs promenades. André Gide était de ceux-là. Ernst Jünger l'est sans aucun doute. Les lecteurs de Jardins et Routes et du Journal le savent. On pouvait croire pourtant qu'il fallait à Jünger des événements, un climat extraordinaire : la guerre. Tous ceux qui le suivront dans ce Voyage atlantique verront qu'il n'en est rien et que le regard de Jünger fait jaillir l'intérêt des moindres choses, des objets les plus pacifiques. Si on a bien voulu accompagner Goethe en Italie, Gide au Congo, qui ne voudra être le compagnon de croisière de Jünger autour de la Méditerranée et le long des rivages de l'Amérique du Sud ? Même quand il se fait grave, son monologue ne se départit jamais du ton de la familiarité et, sous une apparente froideur, se cachent une tendresse et une attention du monde exceptionnelles.
Hostile très tôt au monde bourgeois, élève médiocre, fuguant à dix-huit ans pour rejoindre la Légion étrangère, héros couvert de décorations, Ernst Jünger (1895-1998) est un parfait autodidacte qui n’a effectué à l’université que de brèves études en zoologie. Boulimique de lecture depuis son enfance, nourri de Nietzsche et de Schopenhauer, il allie à une culture immense et diversifiée l’expérience traumatisante de la nouvelle guerre de matériel. Bien qu’il se considère modestement comme un « amateur », il a composé de nombreux essais éclairants sur la crise du monde moderne, l’usage des drogues ou encore l’entomologie. Nous avons privilégié ici les textes qui s’interrogent sur le triomphe de la technique, marqué par l’avènement de la figure du Travailleur : celle-ci commence par fasciner Jünger avant de l’inquiéter, dans sa méfiance envers l’État technocratique, hautement suspect eu égard à sa sensibilité libertaire et précocement écologiste. Édition établie, présentée et annotée par Julien Hervier. Ce volume contient : Lettre de Sicile au bonhomme de la Lune / Le Travailleur / Sur la douleur / La Paix / Passage de la Ligne / Traité du rebelle / Le Mur du temps / Maxima-Minima / Sens et signification / Les Ciseaux.
Renvoyé dans ses foyers avant la fin de la guerre, Jünger assiste à l'agonie du Troisième Reich dans un vieux presbytère bondé de réfugiés, fuyant les bombardements et l'arrivée des Russes. Les villes allemandes flambent dans le feu du phosphore et quelques fanatiques voudraient voir le monde disparaître avec eux. Jünger ordonne de cesser toute résistance à l'arrivée des premiers chars américains ; ému, à l'exemple du prophète Isaïe, par l'image de la "Cabane dans la vigne" cernée par les ennemis victorieux, il tente de puiser dans les limites de son univers familier la force de surmonter l'épreuve. La vie reprend petit à petit : il y a le bois à casser pour l'hiver, le jardin à cultiver, les survivants à revoir. Refusant de désespérer devant l'ampleur du désastre, Jünger espère que notre monde, parvenu au point zéro du nihilisme, saura le dépasser et connaîtra une nouvelle naissance.
" Le manifeste, ici réédité, est un texte fou, mais nullement le texte d'un fou. Une histoire pleine de bruit, de fureur et de sang, la nôtre, est anticipée sans qu'il convienne d'en tenir responsables ces quelques pages ivres et hagardes, possédées par une Mauvaise nouvelle qu'elles tentent fiévreusement d'énoncer comme Bonne. Comment, demanderez-vous, lecteurs d'aujourd'hui, ne pas s'inquiéter après coup de l'éloge du brise-tout pour qui " vivre égale mourir " ? Comment ne pas frémir face à l'apologie sulfureuse des frénétiques " dont le pas de charge disperse au vent comme feuilles d'automne toutes les valeurs de ce monde " ? Vous avez raison. Même à l'orée du XXIè siècle, de telles propositions donnent la chair de poule... Certes, mais les commodités faciles d'une condamnation rétrospective risquent pourtant de masquer l'ampleur d'un texte où l'avenir de la planète (pas seulement de l'Allemagne) bégaie avant de passer à l'acte. "

