Mettons que c'était pour toutes ces raisons que je l'avais laissé me suivre. Mettons que j'avais trouvé le frère cadet qui me manquait. Mettons que j'avais trouvé l'enfant que je n'avais pas vu - voulu voir ? - naître. Je crois que je comprenais petit à petit pourquoi, d'une banale rencontre faite dans un train, était née une histoire - je ne dis pas une amitié ; entre le Tatar et moi, il s'agissait à la fois de bien plus et de bien moins que cela - une histoire, oui, qui devait durer dix jours à ne pas se lâcher d'une semelle.
Un jeune diplomate est envoyé dans un mystérieux pays balte, en vue de cartographier les frontières orientales de l'Europe. Au fil des voyages, des trouvailles, des rencontres et des déconvenues, il comprend que cette mission est impossible et s'en désintéresse peu à peu, gagné par une mélancolie que ne fait qu'aviver l'hiver. Cette exploration romanesque, aussi audacieuse que singulière, des confins du Grand Nord nous offre dans un style très imagé une satire troublante de la diplomatie, ainsi que de très beaux tableaux sur les ruines et les tragédies de l'Histoire. A travers les discussions entre les personnages surgissent de belles pages qui nous donnent à voir le véritable objet de ce récit personnel et ambitieux : une interrogation t sur les lisières mouvantes du réel et de l'imaginaire.
Décembre 2017, banlieue de Lyon. Samuel Vidouble retrouve sa famille maternelle le temps d'un dîner de Hanoukkah haut en tohu-bohu et récits bariolés de leur Algérie, de la prise de Constantine en 1837 à l'exode de 1962. En regardant se consumer les bougies du chandelier, seul objet casé dans la petite valise de Mamie Baya à son arrivée en France et sujet de nombreux fantasmes du roman familial - il aurait appartenu à la Kahina, une reine juive berbère -, il décide de faire le voyage, et s'envole pour Constantine. Il espère aussi retrouver Djamila, qu'il a connue à Paris, la nuit des attentats, et qui est partie faire la Révolution pour en finir avec l'Algérie de Bouteflika. Passé et présent s'entrelacent au long de ses errances dans les rues de Constantine, aussi bien qu'à Guelma et Annaba, retrouvant les lieux où sa grand-mère s'est mariée, où son grand-père s'est suicidé, où sa mère est née, où sa tante s'est embarquée pour Marseille. De retour en France, il ne cesse d'interroger les femmes de sa famille, celles à qui revient d'allumer les neuf bougies, pour élucider le mystère du chandelier. Au fil de leurs souvenirs, il comprend ce qui le lie à l'Algérie et ce qui lie toutes ces générations de femmes que l'histoire aurait effacées s'il n'y avait des romans pour les venger. Derrière les identités multiples, légendaires, réelles ou revendiquées - passé berbère, religion juive, langue arabe, citoyenneté française -, c'est l'appartenance à une communauté géographique qui se dessine : le vrai pays de ces Orientales, c'est la Méditerranée, la Méditerranée des exilés d'hier et d'aujourd'hui, la Méditerranée d'Homère et d'Albert Cohen, d'Ibn Khaldun et d'Albert Camus. Dans ce grand livre de rires et de larmes qui tient à la fois de la quête initiatique, du récit des origines, de la saga familiale et du roman d'amour, Emmanuel Ruben réinvente et magnifie son pays des ancêtres.