Chaque année, Marie reçoit un bouquet de quarante roses que Max, son mari, lui envoie pour son anniversaire : selon un rituel immuable, il lui fête ainsi ses quarante ans comme si le temps ne passait pas. Cette vaine tentative d'arrêter le temps ne fait pourtant que souligner davantage la fuite des ans et l'impossibilité où se trouve Marie de répondre à l'exigence exorbitante que lui impose son mari, celle de rester éternellement jeune. Depuis longtemps, elle ressent cette cérémonie comme une cruelle comédie, mais elle s'impose une discipline qui peut se résumer en une phrase qu'elle a retenue de sa mère : On a du style. Elle maintient ainsi une respectabilité de façade, alors qu'autour d'elle et à l'intérieur d'elle-même, tout s'écroule. Issue d'une dynastie de grands couturiers dont le fondateur est un tailleur juif venu de Galicie, Marie Minet assiste au déclin du monde dans lequel elle a grandi. La Première Guerre mondiale a mis fin à l'époque fastueuse des bals mondains. Mais la véritable catastrophe se prépare avec la montée en puissance des nazis qui éveillent en Suisse d'inquiétantes sympathies. Quarante roses, qui s'inspire de faits empruntés à l'histoire de la famille de l'auteur, tient à la force de la narration et à l'inoubliable portrait de femme que le lecteur garde longtemps en mémoire, une fois le livre refermé.
Thomas Hürlimann Ordre des livres






- 2016
- 2004
Dernier été avant l'entrée à l'internat. Le jeune narrateur le passe chez son oncle, prélat et bibliothécaire du couvent de Saint-Gall. Dans ce vénérable cadre baroque, le jeune garçon a pour tâche de chausser les visiteuses des pantoufles obligatoires pour pénétrer dans "l'arche aux livres", sans en endommager le précieux parquet. Agenouillé devant les dames, il cherche à percer les mystères féminins et, découvrant les pouvoirs de son nez, se grise de l'odore di femmina. Initiation sexuelle, mais aussi ouverture au monde des livres et recherches obstinées pour découvrir le secret qui se cache derrière ce nom de Katz, porté par sa mère et son oncle. Car les êtres sont plus complexes qu'il n'y paraît. À l'instar du narrateur qui sent s'affronter en lui le petit Katz et le futur écolier conventuel, les autres sont des personnages doubles. Monsignore, le prélat érudit, ne dédaigne pas les parties fines arrosées, et mademoiselle Stark, l'austère et pieuse gouvernante, devient une autre femme lorsqu'elle part à l'assaut des sommets de son Appenzell natal. Ce " roman de formation " brillant séduit par la complexité des protagonistes et la subtilité, la légèreté avec lesquelles il traite de sujets graves: la puberté et le mystère des origines.
- 1992
Le pavillon du jardin
- 144pages
- 6 heures de lecture
A propos d'un détail dérisoire et poignant, un vieux couple se déchire, en un combat sournois dans lequel se réinvestissent les histoires personnelles (il était officier supérieur sorti du rang, elle était fille d'industriel) et où se reflètent, comme en un miroir minuscule, la Suisse actuelle et son histoire récente. «Comment s'instaure une fatalité ?» L'auteur de cette nouvelle admirablement construite pose et traite la question avec toute la ruse tactique du dramaturge, mais aussi en poète qui sait marier en peu de mots l'humour, le rêve et le tragique.