Dictionnaire Heidegger
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Il est impossible de systématiser une pensée qui récuse par principe le système et se donne en des "chemins" et des "fugues". Le vocabulaire de Heidegger est une langue, non point la langue d'avant Babel visant à dire l'Origine dans une ultime méta-philosophie, mais ce tour que nous permet de jouer la babélisation en nous autorisant à faire scintiller un "jeu de passe" entre le grec et l'allemand, entre un premier commencement et un autre. S'il est vrai que toute grande pensée suppose un travail à même la langue, en devant affronter son épaisseur, plus que toute autre la pensée de Heidegger s'enracine doublement dans le corps de la langue allemande et dans celui de la tradition métaphysique telle qu'elle s'est déposée à partir de la langue grecque, pour porter à la parole l'impensé de ces langues, les faisant balbutier en leur initialité et faisant dire à chacune l'inouï d'un futur antérieur où le crépuscule se fait anamnèse du matin. Il n'en reste pas moins vrai que la langue de Heidegger, même si elle est foncièrement un dialogue, implique aussi un lexique, comprenant ce qu'il aimait lui-même appeler des "concepts fondamentaux" que le présent ouvrage s'efforce de cerner.
Tout en mettant fin à la métaphysique traditionnelle Kant reprend la vieille question de la finalité à partir du problème d'une unité systématique et finale conçue comme idée régulatrice de la raison permettant de s'orienter clans la pensée. La question du système devient ainsi le problème majeur de la philosophie. La question de la finalité s'articule à celle du sens. Connaître ne suffit pas pour penser, c'est-à-dire pour s'orienter selon un horizon de sens. Par là, Kant n'ouvre pas seulement la voie à la compréhension métaphysique de l'histoire qui sera celle de l'idéalisme spéculatif, mais il rend également possibles les déconstructions ultérieures de la systématicité spéculative qui, en passant par Marx et Nietzsche, aboutissent à la pensée contemporaine. Celle-ci semble alors s'enraciner dans la mutation kantienne de la question de la finalité en question du sens, se situant à la croisée de l'archéologie de ses conditions de possibilité et de l'eschatologie de son devenir comme remontée vers une origine matinale.
"Si l'on a beaucoup écrit sur la philosophie hégélienne de l'histoire, la question du temps a été beaucoup moins étudiée. Le présent ouvrage entreprend de cerner l'articulation de la temporalité et de l'historicité dans l'oeuvre de Hegel en mettant l'accent sur le lien essentiel entre ces deux notions. Puisqu'en effet le temps est à la fois concept de la nature et concept de l'esprit, on ne peut se borner à dire que tout advient et passe dans le temps, mais il faut dire que le temps est aussi lui-même ce surgissement et ce passage. Si la mobilité est le concept fondamental de la logique hégélienne permettant de penser aussi bien la nature que l'esprit, la question de la temporalité traverse ces deux règnes et permet de mettre fin à la rupture entre nature et histoire. Forme de l'extériorité du vrai appelant sa suppression, le temps est donc l'ouverture de l'histoire par laquelle l'éternité vit dans un temps effectif auquel elle donne sens. Hegel a donc compris en quoi l'être procédait du temps, puisque le temps n'est que l'expression de la mobilité infinie du devenir, l'extériorisation d'une négativité qui advient dans le monde comme histoire. Une pensée du temps est alors une pensée du présent et non une métaphysique : tel serait ce sens ultime de ce que l'on peut appeler le hégélianisme et que nous nous sommes proposés de dégager. "Texte de couverture
Né 'trop tard pour voir la guerre, trop tôt pour l’oublier', R. Schürmann, un auteur allemand écrivant en français, explore des thèmes profonds à travers son œuvre. En plus de ses livres sur Eckhart et Heidegger, ainsi qu'un récit autobiographique révélant une vie marquée par la douleur, son travail atteint son apogée dans Les hégémonies brisées. Il ne se limite pas à une lecture historique de la tradition, mais fait appel à des penseurs souvent négligés par Heidegger, tels que Plotin, Cicéron, Augustin, Eckhart et Luther. Schürmann considère également le contexte linguistique des principes hégémoniques, intégrant le grec, le latin et les langues vernaculaires modernes. En réintroduisant l'analytique existentielle dans l'analytique des ultimes, il propose une nouvelle lecture de l'Histoire de l'Être, dépassant la destruction de l'ontologie et la déconstruction derridienne pour réfléchir à l'évidement ou la kénôse des représentations normatives. Dans un monde où la fragilité des référents hégémoniques est devenue évidente, la pensée est appelée à mettre en lumière la condition tragique sous-jacente à toute construction principielle.
L'art et le mythe sont au centre de la pensée de Schelling. Le séminariste de Tübingen envisage une nouvelle mythologie et le philosophe de l'Identité voit en l'art une effigie de la philosophie : manifestant l'Absolu, il est mythologie, représentation et histoire des dieux construisant idéalement ce que la nature produit réellement. Rompant avec le projet systématique de l'idéalisme spéculatif, la dernière philosophie substitue à la philosophie de l'art une philosophie de la mythologie, décrivant l'odyssée de la conscience aux prises avec un processus théogonique débouchant sur la Révélation : la mythologie trouve ainsi en elle-même le principe immanent de son explication. Schelling n'accomplit alors l'idéalisme allemand qu'au prix d'une rupture avec la métaphysique moderne, oscillant entre un tournant théologique et une déconstruction du logocentrisme. Cette persistance de la mythologie fait la singularité de Schelling dans l'idéalisme allemand. La continuité entre mythologie et Révélation le rattache secrètement à Hölderlin, à la manière dont le poète relie le Christ à Héraklès et Dionysos. S'ouvrent ainsi la possibilité d'une phénoménologie du divin et des problématiques contemporaines du mythe, ainsi que l'irruption des questions conjointes de l'existence, de l'être et de l'événement, qui ne cessent de hanter la pensée après la métaphysique accomplie.